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Naissance de lEmpire
Au cours du IVe siècle av. J.-C., le royaume des Qin, lun
des États du nord-ouest, entreprend un programme de réformes
administratives, économiques et militaires inspirées
par lun des principaux théoriciens du légisme,
Li Si. En 256 av. J.-C., il absorbe celui des Zhou, ou, du moins,
ce quil en reste. À partir de 230 av. J.-C., il soumet
un à un les autres royaumes chinois (Han, Zhao, Chu, Yan,
Qi, Wei), sous limpulsion du jeune roi Qin, Ying Zheng.
1. La dynastie Qin (221-206 av.
J.-C.)

Au pouvoir pour une brève période (221-207 av.
J.-C.), la dynastie des Qin se résume principalement au règne
de Qin Shi Huangdi, premier empereur de Chine. Celui-ci réalisa
l'unification politique, administrative et culturelle des royaumes
chinois et fit achever la construction de la Grande Muraille contre
les invasions barbares venues du nord. La capitale se trouvait près
de Chang'an (actuelle Xi'an, dans le Shaanxi). Au fil des conquêtes
territoriales, l'empire s'étendit au sud-ouest à la
plus grande partie des actuelles provinces du Yunnan, de Guizhou
et du Sichuan. Au nord-ouest, il s'avança jusqu'à
Lanzhou, dans l'actuelle province du Gansu. Cependant, le centre
de la civilisation restait dans le bassin du Huang he.
En 221 av. J.-C., Zheng se proclame Qin Shi Huangdi, ou «
Premier Auguste Souverain de la dynastie Qin ». Cette dynastie
va donner son nom à la Chine.
Durant son règne (221-210 av. J.-C.), le premier empereur
transforme un ensemble hétéroclite dÉtats
quasi féodaux en un empire administrativement centralisé
et culturellement unifié, dont la capitale se situe à
Xianyang, à proximité de lactuelle Xian.
Les aristocraties héréditaires sont abolies et leurs
fiefs divisés en provinces, dont ladministration est
confiée à des gouverneurs directement nommés
par lempereur.

Soldats de Qin Shi Huangdi, premier empereur de Chine Les 6
400 fantassins (grandeur nature) et leurs chevaux, trouvés
dans la sépulture du premier empereur de Chine, Qin Shi Huangdi
(221-210 av. J.-C.), ont été modelés individuellement,
probablement à partir de sujets réels. Les têtes
et les mains furent cuites séparément puis assemblées
aux corps. L'ensemble des silhouettes était recouvert d'une
peinture brillante à base de pigments minéraux, dont
il ne subsiste que peu de traces. Cette sépulture fut découverte
Lécriture est normalisée et son usage rendu
obligatoire dans tout le pays. Pour favoriser le commerce intérieur
et lintégration économique, Shi Huangdi unifie
les poids et mesures, la monnaie et la longueur des essieux (qui
détermine la distance entre les ornières sur les routes).
Leur quête dune uniformité culturelle pousse
les dirigeants à bannir toutes les écoles de pensée
qui ont fleuri à la fin des Zhou. Seul le légisme,
qui a un statut officiel, est autorisé. En 213 av. J.-C.,
des confucéens sont enterrés vivants, tandis que leurs
livres et ceux des autres écoles philosophiques interdites
sont brûlés, à lexception des volumes
de la bibliothèque impériale

Grande Muraille de Chine. Dans le nord de la Chine, la Grande Muraille
s'étend, sur plus de 6000 km, depuis le golfe du Bohai à
l'est, jusque dans la province du Gansu à l'ouest. Destinée
à empêcher les incursions barbares venues du Nord,
elle fut commencée sous la période Chunqiu (VIIIe-Ve
siècles av. J.-C.) de la dynastie Zhou, continuée
par Qin Shi Huangdi (221-210 av. J.-C.) et terminée sous
les Ming (XIVe-XVIIe siècles apr. J.-C.). Elle comporte une
tour tous les 200 m et mesure entre 3 et 8 m de haut.
Shi Huangdi cherche également à étendre son
royaume. Au sud, ses armées atteignent le delta du Sông
Hông (fleuve Rouge), au Viêt nam. Au sud-ouest, lempire
sétend à la plus grande partie des actuelles
provinces du Yunnan, de Guizhou et du Sichuan. Au nord-ouest, il
savance jusquà Lanzhou, dans lactuelle
province du Gansu. Au nord-est, une partie de la Corée doit
prêter allégeance à lEmpire. Cependant,
le centre de la civilisation reste dans le bassin du Huang he. Outre
lunification et lexpansion territoriale de la Chine,
Shi Huangdi fait achever la construction de la Grande Muraille contre
les invasions barbares.
À sa mort, en 210 av. J.-C., il est enterré dans
un vaste mausolée près de Lintong (à 35 km
de Xian). Ce site, mis au jour depuis 1974 (le tumulus où
se trouve la tombe de Shi Huangdi lui-même nayant pas
encore à ce jour été exploré), renferme
une armée de terre cuite de plus de 6 000 soldats (grandeur
nature), avec leurs chevaux et leurs chars de combat.
Mais les conquêtes militaires, la construction de routes
et de ports, la Grande Muraille et dautres grands travaux
ont eu un coût financier et humain considérable. Une
fiscalité de plus en plus lourde, la conscription obligatoire
et le travail forcé inspirent un ressentiment profond dans
la population à lencontre du régime Qin, notamment
dans les royaumes conquis, comme le royaume Chu dans le sud. De
plus, lempereur sest aliéné les lettrés
par une politique totalitaire de contrôle de la pensée,
symbolisée notamment par les autodafés.
Après sa mort, son fils cadet Ying Huhai lui succède.
Il prend le titre de Ershi Huangdi, mais tombe rapidement sous linfluence
dun eunuque du palais. Une lutte pour le pouvoir sensuit,
qui paralyse ladministration centrale et indigne la population.
Des révoltes éclatent. Ershi Huangdi, contraint au
suicide (207 av. J.-C.), ne peut éviter lécroulement
de lEmpire.
2. Les Han antérieurs
(206 av. J.-C.-9 apr. J.-C.)

Sous les Han antérieurs (206 av. J.-C.-9 apr. J.-C.),
l'empereur Wudi (140-87 av. J.-C.) mena une politique d'expansion
territoriale. À l'issue de ses conquêtes, le territoire
de l'empire atteignait quasiment la taille de la Chine actuelle,
excepté le Tibet. La capitale était Chang'an (actuelle
Xi'an). Après l'intermède Xin (9-23 apr. J.-C.), les
Han postérieurs (23-220) établirent leur capitale
à Luoyang. Contrôlant la route de la Soie, les Chinois
développèrent un commerce actif avec les peuples de
l'Ouest. Minée par des querelles gouvernementales incessantes,
la dynastie chuta en 220 et l'empire se fragmenta en trois royaumes.
Les trois dernières années de la dynastie Qin,
marquées par des troubles et la guerre civile, voient lémergence
dun chef rebelle, dorigine modeste, Liu Bang (voir Gaozu
des Han). Après avoir éliminé les prétendants
au trône, Liu Bang se proclame empereur de Chine en 206 av.
J.-C. et fonde la dynastie des Han occidentaux (Xihan), ou antérieurs
(Qianhan). La capitale est établie à Changan
(actuelle Xi'an).
a. Lhéritage
Les Han bâtissent leur empire sur les bases unitaires établies
par Shi Huangdi. Mais ils abrogent les lois les plus contraignantes
et allègent les impôts les plus impopulaires. Lempereur
Liu Bang (202-195 av. J.-C.) commence par octroyer des royaumes
à certains de ses anciens alliés et à des membres
de sa famille. Cependant, au milieu du IIe siècle av. J.-C.,
la plupart de ces royaumes sont repris par son fils, Wendi (180-157
av. J.-C.), et lensemble de lempire est directement
soumis à lautorité impériale.
Les Han favorisent la renaissance du taoïsme et adoptent le
confucianisme en tant quidéologie officielle. Néanmoins,
désireux de le rendre universel, les Han y incorporent des
idées empruntées à dautres écoles
de pensée, afin de compléter lenseignement laissé
par Confucius et ses disciples. Ladministration, héritée
des Qin, est très hiérarchique, mais ils nomment les
fonctionnaires sur la base du mérite plutôt que de
la naissance, suivant là un principe confucéen. La
sélection et la qualification reposent sur des examens écrits.
À la fin du IIe siècle av. J.-C., une université
impériale est créée pour enseigner aux futurs
fonctionnaires les cinq classiques de lécole confucéenne.
b. Wudi le conquérant
La dynastie des Han antérieurs connaît son apogée
sous le règne de Wudi (140-87 av. J.-C.). La quasi-totalité
de la Chine actuelle est soumise à lordre impérial,
même si de nombreuses régions, notamment au sud du
Yang-tseu-kiang, ne sont pas encore complètement assimilées.
Lautorité chinoise est établie au sud de la
Mandchourie et au nord de la Corée. À louest,
les armées Han combattent les tribus nomades Xiongnu et Xianbei,
peut-être apparentées aux Huns. Elles savancent
jusquà la vallée du fleuve Iaxarte (actuelle
Syr-Daria, au Kazakhstan), ouvrant ainsi la célèbre
« route de la Soie ». Au sud, elles conquièrent
lîle de Hainan et fondent des colonies autour du delta
du Xi jiang ainsi quen Annam et en Corée.
Seulement, lexpansionnisme de Wudi épuise les réserves
financières laissées par ses prédécesseurs
et nécessite un retour au légisme pour renflouer le
Trésor public. Les impôts sont majorés, les
monopoles dÉtat restaurés et la monnaie dévaluée.
Les souffrances endurées par les paysans sont aggravées
par la croissance démographique qui réduit la superficie
des exploitations, alors que les taxes augmentent. Les familles
de grands propriétaires fonciers, défiant les collecteurs
dimpôts du gouvernement central, acquièrent une
sorte dexonération fiscale. Au fur et à mesure
que le nombre de ces « non-imposés » croît,
lassiette fiscale de lempire diminue. Le fardeau supporté
par les ruraux soumis à limpôt se fait de plus
en plus lourd. Les révoltes paysannes se multiplient et le
banditisme se développe
3. La dynastie Xin (9-23 apr.
J.-C.)
Au cours de cette période de troubles et de désordres,
un courtisan ambitieux, Wang Mang, dépose lempereur,
alors enfant, dont il assume la régence. Il crée la
dynastie éphémère des Xin et tente de restaurer
la puissance du gouvernement impérial et dalléger
le fardeau des paysans. Il lutte, notamment, contre les grandes
propriétés exemptées dimpôts. Celles-ci
sont confisquées au profit du domaine impérial et
redistribuées aux paysans qui les cultivent. Lesclavage
est aboli, les monopoles impériaux sur le sel, le fer et
la monnaie renforcés, et de nouveaux monopoles établis.
Mais la résistance des propriétaires est si forte
que Wang Mang se voit contraint dannuler sa réforme
du régime foncier. La crise agraire sintensifie, avec
la détérioration progressive des systèmes de
contrôle de leau mis en place dans la Chine du Nord,
où une violente insurrection paysanne éclate, en 23
apr. J.-C., sous la conduite des « Sourcils rouges ».
Ces derniers reçoivent bientôt laide des grands
propriétaires, qui prennent dassaut Changan et
parviennent à tuer lusurpateur Wang Mang. La dynastie
Han est alors rétablie.
4. Les Han postérieurs
(23-220)
Le prince Liu Xiu (23-55 apr. J.-C.), qui deviendra plus tard Guang
Wudi, fonde la dynastie des Han postérieurs (Houhan), ou
Han orientaux (Donghan). Leur capitale est Luoyang. Au Ier siècle
apr. J.-C., la Chine poursuit son extension vers louest. Les
Chinois, qui contrôlent la route de la Soie (grâce aux
actions entreprises contre les Xiongnu et les tribus Wuhuan, Xianbei
et Qiang par les généraux Ma Yuan et Ban Chao), développent
un commerce actif avec les peuples barbares dOccident. Cest
par eux que le bouddhisme est introduit en Chine. Dès leur
accession au pouvoir, les Han postérieurs souffrent de la
faiblesse et de linefficacité de ladministration
impériale. Comme sous les Han antérieurs, le gouvernement
est miné par lexistence dempereurs encore enfants
et par le népotisme des familles impériales. Les empereurs
finissent par sen affranchir grâce aux eunuques du palais,
qui gagnent ainsi en autorité et en influence. Le gouvernement
est alors déchiré par des querelles intestines entre
factions rivales et des luttes de pouvoirs. Entre 168 et 170, fonctionnaires
et eunuques saffrontent, les premiers reprochant aux seconds
davoir usurpé leur fonction légitime. En 184,
deux révoltes éclatent, menées par des sectes
taoïstes. Lune, celle des « Turbans jaunes »,
ravage le Shandong et les provinces voisines. Lautre, la «
Société des cinq boisseaux de riz », au Sichuan,
nest matée quen 215 par le général
Cao Cao.
5. La division (220-581)
a. Le démembrement et
le sursaut
Lempire des Han commence à seffondrer lorsque
les familles de grands propriétaires fonciers, profitant
de la fragilité du gouvernement, constituent leurs propres
armées. Le pays se fragmente en trois États et entre
dans la période dite des « Trois Royaumes »,
(qui a inspiré de nombreux romans, opéras et récits
populaires). En 220, Cao Pi, fils de Cao Cao institue la dynastie
des Wei (220-265) dans le bassin du fleuve Jaune, avec pour capitale
Luoyang. La dynastie Shu-Han (221-263) règne dans le sud
(capitale Chengdu) et la dynastie Wu (222-280) dans le sud-est (capitale
Jiankang, aujourdhui Nankin). Ces trois royaumes se livrent
une guerre incessante.
En 263, le royaume Wei sempare de son voisin Shu. Deux ans
plus tard, Sima Yan (265-289), puissant général du
royaume Wei, usurpe le trône et fonde, dans le nord, la dynastie
des Jin occidentaux (265-316). En 280, il réunit sous son
autorité le nord et le sud. Mais peu après sa mort,
en 290, lunité du pays seffondre de nouveau,
en raison notamment de linfluence des familles de grands propriétaires.
Ces derniers jouent de leur pouvoir par lintermédiaire
du système de classement en neuf grades, établi le
plus souvent arbitrairement, par lequel les personnages importants
de chaque région administrative classent les familles et
les individus selon les services quils rendent à lÉtat.
Les tribus nomades et barbares, que les Han ont réussi à
maintenir aux frontières, profitent de loccasion pour
étendre leurs zones de pâturage à la Grande
Plaine du Nord. Les invasions débutent en 304. La Chine du
Nord est rapidement submergée et, en 316, les tribus nomades
chassent les Jin, qui sinstallent à Nankin où
ils fondent une nouvelle dynastie (dite des Jin orientaux). Pendant
environ trois siècles, le nord du pays est soumis à
une ou plusieurs dynasties non chinoises
b. Trois siècles et deux
Chine
Au IVe siècle, la Chine est donc séparée en
deux. Dans le Nord, cest lépoque des «
Seize Royaumes des Cinq [ethnies] Barbares » (Shiliu guo).
Le territoire, très morcelé, a été envahi
par plusieurs peuples barbares (Xianbei, Di, Jie, Qiang), avant
de passer sous la domination partielle des Xiongnu en 304. Aucune
de ces dynasties étrangères ne parvient à dominer
la totalité de la Grande Plaine du Nord avant 420, date à
laquelle lensemble de la région passe sous la domination
de la dynastie des Wei du Nord (386-534), fondée par les
tribus Tuoba, de fervents bouddhistes.
Au cours de la seconde moitié du Ve siècle, les Wei
du Nord, dont la capitale est Pingcheng (aujourdhui Datong),
adoptent une politique de sinisation. La population rurale est soumise
à une administration bureaucratique, sur le modèle
des dynasties chinoises précédentes. Un service militaire
obligatoire est imposé aux tribus. Les coutumes et lhabillement
chinois sont adoptés, et le chinois devient langue officielle
de la cour. Cette politique de sinisation se heurte à une
vive résistance des chefs des tribus nomades. Leur rébellion
(révolte des Six Garnisons, vers 525) provoque la chute de
la dynastie des Wei du Nord en 534. Pendant les cinquante ans qui
suivent, le Nord retombe aux mains de dynasties non chinoises.
La Chine du Sud, où se sont réfugiés les Jin
occidentaux, voit se succéder cinq dynasties chinoises successives,
formant avec la dynastie des Wu (222-280) les Six Dynasties du Sud
(selon une dénomination couramment adoptée) : Jin
orientaux (317-420), Liu-Song ou Song (420-479), Qi (479-502), Liang
(502-557), Chen (557-589). La capitale, qui se trouve à Jian
Kang ou Jianye (Nankin), devient un important carrefour culturel.
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