La république de Chine (1912-1949)

 

 

1. Les prémices de la république

 

La mort de l’impératrice Cixi en 1908 accélère la chute de la dynastie Qing. Peu après la guerre sino-japonaise (1894-1895), un médecin éduqué à l’occidentale, Sun Yat-sen, lance le Tongmenghui (« société de la conjuration »), mouvement destiné à établir un gouvernement républicain. Dans la première décennie du XXe siècle, les révolutionnaires forment une vaste coalition réunissant les étudiants et les commerçants d’outre-mer, ainsi que les Chinois de l’intérieur mécontents du régime. Au milieu de l’année 1911, des soulèvements se produisent, en protestation contre un programme de nationalisation des chemins de fer. En octobre, la révolte éclate à Hankou, en Chine centrale. Elle s’étend rapidement à d’autres provinces et Sun Yat-sen prend le pouvoir. Les armées mandchoues, réorganisées par le général Yuan Shikai, sont alors nettement supérieures aux forces rebelles. Mais, négligeant le combat, Yuan préfère négocier avec les rebelles le poste de président du nouveau gouvernement républicain. Le 12 février 1912, Sun Yat-sen démissionne en faveur de Yuan, et les Mandchous se retirent. Le 14 février, une assemblée révolutionnaire réunie à Nankin élit Yuan Shikai premier président de la république de Chine. La même année, Puyi, dernier empereur de Chine, abdique à l’âge de six ans.

 

Une Constitution est adoptée et un Parlement convoqué en 1912. Mais Yuan Shikai ne laisse jamais ces institutions entraver sa mainmise sur le pouvoir et établit une dictature (1912-1916). Lorsque le Guomindang, parti nationaliste fondé en 1911 par Sun Yat-sen, tente de limiter ses pouvoirs, d’abord par des tactiques parlementaires, puis par la révolution manquée de 1913, Yuan réagit. Il impose la dissolution du Parlement, interdit le Guomindang et utilise son influence personnelle auprès des chefs militaires provinciaux pour gouverner. Sun Yat-sen se réfugie au Japon. L’opposition populaire contraint néanmoins Yuan Shikai à abandonner ses ambitions de restaurer l’Empire et de devenir empereur. À sa mort en 1916, plusieurs gouverneurs proclament l’indépendance de leur province. Pendant plus de dix ans, le pouvoir politique passe aux mains de ces seigneurs de la guerre (dujun), qui règnent localement. Le gouvernement central conserve une existence précaire et parfois fictive jusqu’en 1927.


2. La « trahison » de Wilson

 

Pendant la Première Guerre mondiale, le Japon tente d’établir sa suprématie coloniale. En 1915, il présente à la Chine les « 21 demandes » visant à faire de celle-ci un véritable protectorat japonais. Pékin en accepte certaines, comme le transfert des possessions allemandes du Shandong au Japon. En entrant en guerre aux côtés des Alliés en 1917, la Chine pense obtenir un siège à la table des négociations de paix, et freiner ainsi les ambitions japonaises. Elle espère également que les États-Unis, conformément à la politique de la Porte ouverte, lui offriront leur soutien. Mais aux pourparlers de Versailles, le président Thomas Woodrow Wilson se désolidarise de la Chine et les anciennes possessions allemandes reviennent finalement au Japon.

Or, depuis dix ans, les jeunes et les intellectuels chinois sont de plus en plus nombreux à chercher en Occident des modèles et des idéaux pour réformer la Chine. Ils sont, par conséquent, choqués par ce qu’ils jugent comme une trahison de Wilson. Lorsque la nouvelle atteint le pays, un vaste mouvement de protestation antijaponais éclate, le 4 mai 1919, à l’université de Pékin et se propage dans tout le pays.

 

3. Le Guomindang et la montée du Parti communiste

 

Dès 1935, Mao Zedong dirigea le Parti communiste chinois (PCC) avant de fonder en 1949 à Pékin, la République populaire chinoise. Contrairement à l'orthodoxie marxiste, sa doctrine privilégia le rôle révolutionnaire de la paysannerie. Ses initiatives politiques comme le Grand Bond en avant (1958) ou la Révolution culturelle (1965) furent des échecs sur les plans économique et humain.

 

Dans la période d’observation qui suit, deux objectifs apparaissent clairement : débarrasser la Chine de l’impérialisme occidental et rétablir l’unité nationale. Déçus par l’égoïsme cynique des Occidentaux, les Chinois se tournent de plus en plus vers l’Union soviétique et le marxisme-léninisme. Le Parti communiste chinois est créé à Shanghai en 1921. Parmi ses fondateurs figure Mao Zedong. En 1923, Sun Yat-sen recourt à l’aide soviétique pour réorganiser le Guomindang désagrégé et militairement faible, et accepte, en échange, d’y admettre les communistes chinois.

Les « Trois Principes du Peuple » (nationalisme, démocratie et socialisme), qui constituent l’idéologie du Guomindang, sont fortement empreints d’anti-impérialisme et du désir d’unification nationale. Malgré la mort de Sun Yat-sen en 1925, le Guomindang régénéré, sous le commandement du jeune général Jiang Jieshi (Tchang Kaï-chek), lance une expédition militaire depuis sa base de Canton (expéditions du Nord-Beifa) en 1926 et reconquiert une partie de la Chine. Jiang Jieshi cherche alors à réunifier la Chine sous la souveraineté du Guomindang et à se débarrasser des impérialistes et des Seigneurs de la guerre. En 1927, il procède, au sein du Guomindang, à une purge sanglante des communistes. Le 12 avril, il écrase l’insurrection prolétarienne de Shanghai. Il s’appuie dès lors sur la classe des propriétaires fonciers et sur les puissances impérialistes.



a. Les difficultés de Jiang Jieshi

 

Le nouveau gouvernement nationaliste établi à Nankin en 1928 se trouve confronté à trois problèmes difficiles. Le premier est la portée encore limitée de l’unification : seules cinq provinces se trouvent réellement sous son autorité, les autres demeurant aux mains de Seigneurs de la guerre locaux. Le deuxième concerne la rébellion communiste. Les communistes chassés du Guomindang se séparent en deux factions clandestines. La première tente de fomenter des soulèvements urbains, la seconde, dirigée par Mao Zedong, se replie dans une région reculée du centre de la Chine, où elle mobilise et forme une armée paysanne, et crée plusieurs soviets. Le troisième problème, enfin, est l’agression japonaise en Mandchourie et en Chine du Nord.

 

b. L’expansionnisme japonais

 

Au cours des années vingt, le Japon a adopté une politique plus modérée à l’égard de la Chine. À la conférence de Washington en 1922, il a même accepté de lui restituer les anciennes possessions allemandes du Shandong. Mais, à partir de 1928, le Guomindang se heurte aux intérêts japonais concernant le contrôle du chemin de fer sud-mandchou par le Japon. Le 18 septembre 1931, celui-ci prétexte un prétendu bombardement du chemin de fer par les nationalistes chinois pour étendre son contrôle militaire sur toute la Mandchourie. Au printemps suivant, le Japon réunit les trois provinces de Mandchourie en un nouvel État, le Mandchoukouo, puis place à sa tête Puyi, le dernier empereur de la dynastie mandchoue. Au début de l’année 1933, l’est de la Mongolie-Intérieure est intégré au Mandchoukouo. Quelques mois plus tard, le Japon oblige la Chine à signer un accord de démilitarisation du nord-est du Hebei.


c. L’incident de Xi’an

 

Dans les années trente, la politique de Jiang Jieshi consiste à négocier avec les Seigneurs de la guerre, à temporiser avec les Japonais, et à concentrer ses efforts sur la lutte contre les communistes. Écrasé dans les villes ouvrières, le mouvement communiste ne subsiste plus que clandestinement. Mao Zedong innove, en déplaçant l’action du Parti vers les campagnes. Paradoxalement, la révolution chinoise est le fait de paysans et non d’ouvriers. De 1927 à 1934, Mao crée des bases en Chine du Sud et en Chine centrale. Il rallie à lui des Seigneurs de la guerre comme Zhu De et des officiers communistes de l’armée régulière, tels que Liu Shaoqi. En 1934, les armées du Guomindang réussissent à asphyxier les soviets paysans. Les quelque 100 000 rescapés doivent quitter leur base, établie au Jiangxi, et se frayer un chemin à travers la Chine, d’abord vers l’ouest, puis vers le nord. C’est la Longue Marche (octobre 1934-octobre 1936). En 1936, après deux ans de combats et de progression épuisante, seulement 8 000 survivants parviennent à rallier la ville de Yanan (Shaanxi), où ils établissent leur quartier général. Cette retraite forcée, qui sonne comme une victoire morale, va s’avérer préjudiciable au Guomindang.

Par ailleurs, à mesure que l’agression japonaise s’intensifie, la pression populaire se fait de plus en plus forte pour que les dirigeants chinois unissent leurs efforts contre le Japon. Mais Jiang Jieshi refuse toute alliance. En décembre 1936, l’un de ses généraux, Zhang Xueliang, mécontent de son attentisme vis-à-vis du Japon, organise son enlèvement à Xi'an. L’intervention du communiste Zhou Enlai permet d’arriver à un compromis. Libéré, Jiang Jieshi accepte, en 1937, de former un front national uni, Guomindang-Parti communiste, contre le Japon. En juillet 1937, l’armée japonaise attaque la Chine.


4. La Seconde Guerre mondiale

 

La Seconde Guerre mondiale débute en Chine dès 1937, avec l’agression nippone. En 1938, l’armée chinoise tente, en vain, de ralentir la progression des troupes japonaises en dynamitant les digues du Huang he. L’immense inondation qui s’ensuit fait 12 millions de sans-abri. Le pays éclate en plusieurs entités.

Deux années après le début des hostilités, l’armée japonaise occupe les grands ports du pays, les centres industriels et les plaines fertiles du Nord et se livre à de nombreuses exactions (sac de Nankin en 1938). L’activité économique est réorientée et développée en fonction des intérêts des occupants. Le gouvernement nationaliste se réfugie dans le Sud-Ouest, à Chongqing (Sichuan), tandis qu’au nord l’Armée populaire communiste tient solidement la base du Shaanxi et harcèle les arrières des Japonais.

Malgré la présence aux côtés de Jiang Jieshi du général Stilwell, brillant chef d’état-major américain, la résistance antijaponaise est davantage l’œuvre du Parti communiste que celle du Guomindang. Les heurts entre troupes communistes et nationalistes ne cessent jamais vraiment. Le refus de Jiang Jieshi de coordonner ses actions avec celles des guérillas communistes amène Stilwell à démissionner, aussi le Guomindang perd progressivement le soutien d’une population croissante, exaspérée par la misère, par la guerre, par l’inflation, par une corruption généralisée et par l’incompétence de l’administration.

Réduit à quelques milliers de fidèles en 1935, le mouvement communiste profite de la guerre pour renforcer son audience. Il n’a de cesse de se déployer depuis sa base de Yanan et de s’infiltrer dans la plupart des zones rurales. En 1945, il contrôle dix-neuf zones libérées regroupant cent millions d’habitants. Mao Zedong et ses partisans appliquent une politique d’« union nationale » destinée à rallier les paysans riches, les propriétaires fonciers et les notables ruraux refusant de collaborer avec le Japon. C’est également au cours de cette période que se développe réellement l’idéologie maoïste.


5. La lutte pour le pouvoir entre le Guomindang et le Parti communiste

 

Le Guomindang sort de la Seconde Guerre mondiale discrédité. Jamais il ne cherche à s’attaquer au régime foncier, source de la misère paysanne, ni à la corruption généralisée de l’administration. Militairement, les généraux nationalistes, peu compétents, consacrent l’essentiel de leur énergie à contrer la progression de l’Armée populaire, plutôt qu’à combattre les Japonais. À l’inverse, les succès de la guérilla communiste permettent au parti de Mao Zedong d’apparaître comme le défenseur de la nation chinoise au moment de la capitulation du Japon, en août 1945. La lutte armée entre les deux partis s’accentue au lendemain du conflit mondial et dégénère rapidement en guerre civile. Une trêve est signée en 1946 grâce à la médiation du général George C. Marshall. Mais les combats reprennent malgré les efforts de ce dernier pour tenter de réconcilier les deux adversaires.

En août 1946, les États-Unis suspendent leur aide militaire au gouvernement nationaliste, mais cette mesure ne met pas pour autant fin aux hostilités. Marshall quitte la Chine au mois de janvier 1947. En mai, l’aide américaine reprend, mais les forces du Guomindang s’effondrent, malgré le matériel et les conseillers fournis par les Américains. En 1948, Lin Biao s’empare de la Mandchourie. En moins de six mois, l’Armée populaire reconquiert l’ensemble du territoire. Le 8 décembre 1949, le gouvernement du Guomindang se réfugie sur l’île de Taïwan, entraînant dans sa fuite deux millions de réfugiés.

 


 

 


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