Généralités économiques

 

1. Tradition et changement

 

Shanghai ancien/nouveau

 

Depuis 1992 et le XIVe Congrès du Parti, la Chine obéit aux lois d’une « économie socialiste de marché ». D’origine socialiste, c’est-à-dire reposant sur un partage équitable des richesses et la propriété collective sous l’égide de l’État, cette économie est aujourd’hui bousculée par les lois de la compétition internationale et de la mondialisation. Pékin se doit, d’un côté, de préserver ses préceptes communistes et, de l’autre, de mener le pays dans la voie du développement en attirant les capitaux étrangers et en appliquant des méthodes qu’elle qualifiait autrefois de capitalistes.

L’économie socialiste de marché vise à privilégier le secteur public tout en veillant à développer les autres domaines de l’économie. Pour cela, elle s’appuie sur une modernisation et une gestion nouvelle des entreprises d’État. Le but recherché est de créer un marché intérieur équilibré entre villes et campagnes et un vaste marché international. L’État n’a plus qu’un regard macroéconomique et se charge de contrôler le bon fonctionnement de l’économie nationale (protection sociale, distribution des revenus, encouragement et équilibre des richesses).

Cette politique d’ouverture et de libéralisation de l’économie eut un résultat très positif. Le PIB chinois a connu en dix ans une forte croissance. Il est ainsi passé de 367,9 milliards de dollars en 1985 à 581,1 milliards en 1993 et à 989 milliards de dollars en 1999. Malgré cette croissance vertigineuse, la Chine demeure un pays essentiellement rural et pauvre, comme l’atteste le PIB par habitant (91e rang mondial en 1996), accusant un important retard économique. La population active comprenait 751 millions de personnes en 1999, dont 45,2 p. 100 de femmes. Près de 110 millions travaillent pour le secteur public.

 

2. Révélation de la puissance chinoise

 

Dès 1949, et jusqu’en 1961, date de la rupture avec l’URSS, la Chine calqua son développement sur le modèle soviétique. Elle connut trois périodes de croissance : 1949-1952 et la reconstruction du pays suivie par le premier plan quinquennal (1953-1957) ; 1963-1965 et la correction des erreurs du Grand Bond en avant ; 1977-1982 avec les Quatre Modernisations. Mais le pays a également traversé deux grandes crises : 1958-1962 et le désastreux Grand Bond en avant de Mao Zedong ; 1966-1976 et la Révolution culturelle.

Jusqu’à la fin des années soixante-dix, les matières premières et les équipements destinés aux entreprises d’État étaient fournis par le gouvernement. La production était ensuite gérée et redistribuée par l’État. Ainsi, les biens de consommation nécessaires à la population rurale étaient distribués par un organisme d’État, la Coopérative de fourniture et de distribution. Les biens essentiels (céréales, huile, viande, sucre, tissus de coton) étaient rationnés en raison de leur relative rareté et leurs prix fixés très bas pour les rendre accessibles à tous. Une grande partie de la rémunération versée aux familles rurales était constituée de céréales.

Les années des Quatre Modernisations virent la libéralisation des prix et l’apparition des premières sociétés privées (100 000 en 1978, 17 millions en 1985). En 1980 furent créées les premières ZES (zones économiques spéciales), de type capitaliste et destinées, grâce à l’apport des capitaux étrangers, à produire pour l’exportation. Ce sont Xiamen (Fujian), Zhutai, Shantou et, surtout, Shenzhen (Guangdong). De ce fait, les investissements extérieurs affluèrent (34 milliards de dollars entre 1979 et 1992), notamment en provenance de Hong Kong, encourageant ces régions à gagner en autonomie. En 1984, 14 ports (dont l’île de Hainan) furent ouverts aux capitaux étrangers, ce qui eut pour effet de stimuler encore davantage le secteur privé et la libéralisation des prix.

La Chine semblait alors sur la bonne voie. Mais ce processus allait être fortement entravé par les répercussions du massacre de la place Tian'anmen en 1989. Les nations occidentales protestèrent, en effet, par des sanctions économiques à l’égard de la Chine. Le pays était alors sur le point d’être repris en main par les partisans de la ligne dure du régime. Cependant, Deng Xiaoping parvint à maintenir le cap de la croissance tout en ménageant ces derniers. En 1992, il lança le concept d’une « économie socialiste de marché pour les cent prochaines années », suivi en juillet 1993 d’un plan d’austérité en « 16 points ».


3. Croissance et inégalités

 

Autrefois déterminée par une planification centralisée, la circulation des marchandises obéit aujourd’hui, du moins en grande partie, aux lois du marché. Entre 1978 et 1984, la part du commerce de détail contrôlée par l’État est passée de 90,5 p. 100 à 45,8 p. 100. Pour la même période, la part des entreprises collectives est passée de 7,4 p. 100 à 39,6 p. 100 et celle des entreprises privées de 2,1 p. 100 à 14,6 p. 100.

Mais Pékin s’est fixé des objectifs à long terme (doublement du PIB entre 2000 et 2010) sans véritable stratégie économique. L’inflation s’est rapidement développée (21,7 p. 100 en 1994) avant de connaître une forte diminution puis s’établir à un niveau quasi nul (1 p. 100 en 1999). En 1996, une grande partie des richesses se concentrent entre les mains de réseaux familiaux proches du pouvoir et qui appliquent des méthodes capitalistes. Elles sont également sous la coupe des entreprises collectives et locales sur lesquelles l’État n’exerce plus de contrôle. Car le succès de l’économie chinoise va aujourd’hui de pair avec une absence inquiétante de réformes des structures, notamment en ce qui concerne la modernisation de l’agriculture et de l’industrie.

La croissance de l’économie chinoise, l’une des plus fortes du monde, a enregistré un léger tassement en 1995 (10,2 p. 100 contre 12,8 p. 100 en 1992).Toutefois, le passage progressif du pays à l’économie capitaliste a favorisé l’expansion du secteur privé. En 1994, on dénombrait 260 000 entreprises à capitaux mixtes ou entièrement étrangers. En 1996, le nombre des structures de plus de sept employés, appelées siying qiye, étaient estimées à 500 000. Sans oublier les petites sociétés familiales, les getihu, au nombre de 20 millions, et qui augmentent de 20 p. 100 par an.

En 1995, les capitaux étrangers s’élevaient à 37 milliards de dollars dont 75 p. 100 proviennent des huaqiaos, les Chinois émigrés ou Chinois d’outre-mer, dont la production de richesse est égale au PIB chinois.

Cette évolution sans précédent a bouleversé la structure socio-économique du pays. Le revenu moyen des citadins a triplé, tandis que celui des agriculteurs doublait en moyenne. Mais le progrès ne profite pas à tout le monde. En 1992, des révoltes ouvrières dues au chômage (2,9 p. 100 de la population active en 1995, d’après les chiffres officiels) ont ébranlé les beaux discours. Car il existe trois Chine. La Chine maritime, avec ses dix provinces et ses trois grandes municipalités autonomes (Shanghai, Pékin, Tianjin), assure 53 p. 100 de la production industrielle et agricole du pays alors qu’elle n’abrite qu’un tiers de la population. La Chine du Sud connaît aujourd’hui un développement rapide avec les zones économiques spéciales du Guangdong et du Fujian, des ports très actifs comme Shantou ou Canton et, bien sûr, Hong Kong. La Chine de l’Ouest et de l’intérieur, qui représente 70 p. 100 du territoire pour seulement 28 p. 100 de la population, ne fournit que 17 p. 100 de la production économique. Un habitant du Guizhou gagne aujourd’hui dix fois moins qu’un résident de Shanghai.

 

 

 


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